Saviez-vous que 20% des appels au 39 19, numéro d'écoute national dédié aux femmes victimes de violences, concernent des violences économiques au sein du couple ? Cette forme de violences, souvent méconnue, a pourtant un impact direct sur l'autonomie financière des victimes et de leurs enfants. Maître Cécilia Boulland, avocate spécialisée en droit de la famille à Nanterre, nous éclaire sur les recours juridiques possibles face à ce fléau.
Ce qu'il faut retenir :
Si la Convention d'Istanbul, ratifiée par la France en 2014, définit officiellement les violences économiques comme une forme de violences à l'égard des femmes, le droit français ne propose pas de définition juridique spécifique. Pourtant, ces violences se manifestent de multiples façons : contrôle des dépenses quotidiennes, confiscation des moyens de paiement, interdiction d'exercer une activité professionnelle (ou obligation de démissionner ou de travailler dans l'entreprise du conjoint permettant un contrôle total des revenus), exclusion des décisions patrimoniales... Certains régimes matrimoniaux, comme le régime de communauté réduite aux acquêts, peuvent aussi faciliter l'emprise économique en permettant au conjoint violent de contrôler le patrimoine commun (sans préserver les biens propres).
L'ampleur du problème est réelle : 79% des femmes appelant le 39 19 pour violences économiques ont au moins un enfant. Les pensions alimentaires, représentant 18% des revenus des familles monoparentales concernées, sont impayées dans 30% des cas après une séparation, perpétuant l'emprise financière.
À noter : La loi n°65-570 du 13 juillet 1965 a été la première à autoriser les femmes à ouvrir un compte bancaire sans l'accord de leur mari, étape historique vers leur autonomie financière, même si cela ne suffit pas toujours face à l'emprise psychologique.
Plusieurs textes peuvent être invoqués face aux violences économiques : les articles 222-33-2 à 222-33-2-2 du Code pénal sur le harcèlement moral, l'article 515-11 du Code civil permettant une ordonnance de protection, ou encore la Convention n°190 de l'Organisation internationale du travail, qui inclut les violences domestiques dans son champ (reconnaissance internationale même si non contraignante juridiquement).
L'ordonnance de protection, valable 6 mois, peut inclure des interdictions pour le conjoint violent, l'attribution du logement à la victime, ou encore la suspension de l'autorité parentale. Le Juge aux Affaires Familiales (JAF) peut aussi prononcer des mesures conservatoires comme le gel des comptes joints, l'interdiction de disposer des biens communs, ou l'attribution provisoire de la jouissance de certains biens.
Les victimes bénéficient également d'une procédure de surendettement accélérée, avec un traitement prioritaire sous 3 mois et un gel immédiat des dettes courantes. L'aide juridictionnelle leur est accordée sans condition de ressources, facilitant l'accès à la justice même si elle ne couvre pas tous les frais annexes.
Le harcèlement moral conjugal est puni de 3 ans d'emprisonnement et 45 000€ d'amende. L'abus de confiance conjugal (détournement de fonds ou de biens), lui, est passible de 5 ans d'emprisonnement et 375 000€ d'amende, sanctionnant les appropriations frauduleuses même si la preuve est difficile à apporter.
L'Agence de recouvrement des impayés de pensions alimentaires (ARIPA) peut intervenir pour obtenir le versement des pensions par saisie sur salaire, paiement direct de l'employeur, ou encore en faisant jouer l'intermédiation de la CAF.
Exemple : Suite au non-paiement de la pension de 350€/mois pour ses 2 enfants, Nathalie a saisi l'ARIPA. Grâce à son intervention, l'employeur de son ex-conjoint lui verse désormais directement la pension chaque mois, en plus de l'ASF.
Les experts recommandent de constituer une épargne de précaution personnelle équivalente à 3 mois de salaire, de conserver en lieu sûr les documents importants (copies des 3 derniers avis d'imposition, relevés de compte et bulletins de salaire des 12 derniers mois), et de documenter les violences économiques subies (screenshots des messages de contrôle, copies des relevés suspects, attestations de témoins au format de l'article 202 du Code de procédure civile).
Les banquiers sont formés pour détecter les signes d'emprise économique, proposer des solutions bancaires adaptées et orienter les victimes vers les associations spécialisées. Les notaires, eux, ont pour mission d'informer sur les conséquences patrimoniales des régimes matrimoniaux, de conseiller sur la protection des biens personnels, et d'alerter en cas de déséquilibre manifeste dans les actes.
Il est vivement conseillé de privilégier des comptes bancaires personnels pour percevoir son salaire, de faire préciser dans les actes notariés les proportions exactes d'acquisition et de remboursement pour chaque partenaire, de demander le versement à égalité du produit de vente immobilière sur des comptes séparés, et de solliciter des moyens de paiement nominatifs individuels même en cas de compte joint.
À noter : En cas de divorce, chaque conjoint peut demander au notaire le partage à 50/50 du produit de vente d'un bien commun sur des comptes séparés. Cette précaution limite les risques d'abus financier post-séparation.
Face aux violences économiques dans le couple, de nombreux recours juridiques existent donc pour protéger les victimes et leur permettre de retrouver leur autonomie financière. N'hésitez pas à solliciter l'expertise bienveillante et engagée de Maître Cécilia Boulland, avocate à Nanterre, pour faire valoir vos droits et ceux de vos enfants.