En France, les violences conjugales touchent chaque année des centaines de milliers de personnes, majoritairement des femmes. Pourtant, l'ampleur réelle de ce fléau reste méconnue, souvent minimisée par des idées reçues tenaces. Derrière les statistiques alarmantes se cachent des réalités complexes, qu'il est essentiel de comprendre pour mieux lutter contre ce phénomène. Maître Cécilia Boulland, avocate en droit de la famille à Nanterre, accompagne au quotidien des victimes de violences conjugales et témoigne de l'importance de déconstruire les mythes qui entourent cette problématique.
Selon les données du ministère de l'Intérieur, 93 féminicides ont été enregistrés par les forces de sécurité en France en 2023, auxquels s'ajoutent 319 tentatives de féminicides. Dans le même temps, 773 femmes ont été victimes de suicides ou de tentatives de suicide suite à un harcèlement conjugal. Ces chiffres, déjà dramatiques, ne reflètent qu'une partie de la réalité (selon une étude de 2019, 125 000 femmes adultes étaient déjà victimes de mutilations sexuelles en France au début des années 2010).
En effet, l'enquête "Vécu et ressenti en matière de sécurité" menée en 2023 par le SSMSI (Service statistique ministériel de la sécurité intérieure) estime à 373 000 le nombre de femmes victimes de violences physiques, sexuelles et/ou psychologiques par leur conjoint en 2022. La même étude révèle que 230 000 femmes ont subi des viols, tentatives de viol et/ou agressions sexuelles sur cette période.
Les femmes sont les principales victimes des violences au sein du couple. Selon des statistiques belges de 2015, elles sont six fois plus souvent victimes de violences conjugales que les hommes. Concernant les violences sexuelles, l'enquête du SSMSI indique que 61% sont perpétrées par une personne connue de la victime, dont 28% par le conjoint ou l'ex-conjoint.
Si les chiffres varient d'une année sur l'autre, la tendance générale reste préoccupante. La prise de conscience progressive de la société sur ces enjeux et l'évolution de la législation ont permis une meilleure prise en charge des victimes, mais le chemin est encore long pour endiguer ce fléau. Dans le monde, 1 femme sur 2 tuée est assassinée par son partenaire ou sa famille, contre seulement 1 homme sur 20 tué dans des circonstances similaires.
À noter : il existe 4 catégories principales de violences conjugales : physiques (coups, blessures), sexuelles (viols, agressions), économiques (confiscation des moyens de paiement, contrôle des dépenses) et psychologiques (dénigrement, humiliation, isolement).
Parmi les mythes les plus répandus sur les violences conjugales, on retrouve l'idée selon laquelle les victimes provoqueraient leur agresseur ou seraient responsables des violences subies. Or, rien ne peut justifier un passage à l'acte violent, qui relève de la seule responsabilité de l'auteur. De même, il n'existe pas de "profil type" de victime : les violences touchent tous les milieux sociaux, tous les âges, tous les niveaux d'éducation.
Autre idée reçue : celle d'une victime qui "aime ça" puisqu'elle reste avec son agresseur. En réalité, de nombreux facteurs expliquent la difficulté pour les victimes de quitter leur conjoint violent : peur des représailles, dépendance économique, crainte pour la garde des enfants, emprise psychologique... La peur des représailles, la dépendance économique et la crainte pour la garde des enfants sont des motifs fréquents de non-dépôt de plainte par les victimes. Autant d'obstacles qui conduisent à un faible taux de plaintes : seules 16% des victimes de violences conjugales et 6% des victimes de violences sexuelles portent plainte.
Contrairement aux idées reçues, les auteurs de violences conjugales ne proviennent pas uniquement de milieux sociaux défavorisés. Toutes les catégories socio-professionnelles sont concernées. De même, les agresseurs ne sont pas toujours facilement identifiables : la plupart sont appréciés socialement et exercent principalement leur violence dans le cadre familial.
Le profil des auteurs est en réalité multiple : hommes et femmes, jeunes et moins jeunes, insérés ou précaires... Les passages à l'acte s'inscrivent souvent dans des schémas de domination et de contrôle, sur fond de difficultés à gérer la frustration et les conflits. Déconstruire le mythe d'un agresseur "type" est essentiel pour permettre un meilleur repérage des situations à risque.
Exemple : Sophie, 45 ans, directrice marketing dans une grande entreprise, a subi pendant 10 ans les violences physiques et psychologiques de son mari, cadre supérieur très apprécié dans son milieu professionnel. Malgré les apparences d'un couple idéal, il exerçait sur elle un contrôle constant, lui interdisait de voir ses amis et la rabaissait devant leurs enfants. Les premières violences sont apparues lors de sa première grossesse.
Face à l'ampleur des violences conjugales, le législateur a progressivement renforcé l'arsenal juridique pour protéger les victimes. Les textes juridiques de référence incluent la définition commune des violences conjugales adoptée le 8 février 2006 par les ministères belges et le Plan d'Action National 2004-2007. Qualifiées de crime en droit pénal, les violences exercées par le conjoint constituent une circonstance aggravante. Les victimes peuvent obtenir une ordonnance de protection sous 6 jours, qui permet notamment l'éviction du conjoint violent du domicile. Elles bénéficient également d'une aide juridictionnelle automatique.
Parmi les dispositifs technologiques déployés, le téléphone grave danger (TGD), attribué sous 6 jours maximum et disponible 24h/24, permet aux victimes en danger immédiat d'être géolocalisées et secourues en urgence. Le bracelet anti-rapprochement (BAR), activable dès la phase d'enquête, définit un périmètre de sécurité personnalisé dont le franchissement par l'agresseur déclenche une alerte automatique aux forces de l'ordre.
De nombreuses ressources existent pour accompagner les victimes de violences. En cas d'urgence, contactez immédiatement le 17 ou envoyez un SMS au 114. Pour obtenir des informations et une écoute bienveillante, composez le 3919, numéro national de référence. D'autres institutions offrent des ressources spécialisées, comme la MIPROF (Mission interministérielle pour la protection des femmes), l'Observatoire national des violences faites aux femmes ou le CFCV (Collectif féministe contre le viol).
En 2023, 9 200 places d'hébergement et 5 000 solutions de logement temporaire sont dédiées aux femmes victimes de violences, avec un objectif de 11 000 places d'ici 2025. N'hésitez pas à contacter les associations spécialisées comme la FNSF (Fédération Nationale Solidarité Femmes), qui propose un accompagnement juridique, social et psychologique.
Au-delà de la prise en charge des victimes, la lutte contre les violences conjugales passe par la sensibilisation du grand public et la prévention, notamment auprès des plus jeunes. Car derrière chaque chiffre se cache un vécu dramatique, dont les répercussions peuvent se faire sentir sur plusieurs générations.
Face à ces enjeux humains et sociétaux majeurs, Maître Cécilia Boulland se tient à votre écoute pour vous conseiller et vous accompagner. Avocate engagée installée à Nanterre, elle met son expérience du droit de la famille et sa connaissance fine des mécanismes des violences conjugales au service de ses clients. Si vous êtes victime ou témoin de violences, n'hésitez pas à la contacter pour bénéficier d'une assistance juridique sur mesure, alliant rigueur et bienveillance.